Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mélancolie, de l’espoir, des souvenirs, comme ces instruments des rues qui nuisent aux mélodies les plus sublimes en les vulgarisant par des variations banales. Mais ils n’ont pu cependant détruire par tant de copies les beautés primitives et inspirées de l’original.

M. de Lamartine, dans la première période de son talent, nous apparaît donc comme un instrument mélodieux qui vibre mû par le souffle de toute une époque. Le scepticisme, devenu triste et méditatif et retournant à la croyance par la douleur, la vie de la pensée succédant à la vie d’action, le désenchantement qui suit tous les naufrages, le goût de la solitude et des grands spectacles de la nature qui vient après les longues agitations, le retour aux idées et aux sentiments religieux : voilà les caractères de son talent poétique. Son esprit a quelque chose de rêveur et d’indéterminé qui convient à la poésie. Il pense avec des sentiments, il raisonne avec des images, et ses idées s’échappent de son âme comme des mélodies. Quoi de plus ? il ressemble à ces magnifiques lacs qui s’étendent si frais et si purs dans ses vers, et, comme eux, il reflète le ciel qui plane au-dessus des eaux, les oiseaux mélodieux qui les effleurent en se jouant, et les coteaux et les forêts d’alentour. Mais il ne peint pas seulement les agitations de l’homme du dix-neuvième siècle ; il peint, et c’est là ce qui donnera une vie durable à ses vers, l’homme de tous les temps et de tous les lieux, qui n’a point changé depuis Job, le plus éloquent de ses interprètes ; l’homme avec ses aspirations plus vastes que ses