Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/302

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sespoir qui accuse la Providence et la Providence qui daigne se justifier. Un dialogue plus sublime encore, celui de Job, est le type éternel de ces lamentations de l’âme : il semble qu’aucune douleur humaine ne puisse se faire entendre sans emprunter quelqu’un de ses accents à cette douleur si navrante et si vraie.

Ici se place une réflexion. Quand Job poussait vers le ciel ce gémissement éloquent, il était dans cette fournaise ardente de l’adversité où Dieu fait descendre l’homme pour l’éprouver et le purifier. Frappé dans ses enfants, dans ses biens, dans son corps couvert de plaies, raillé par sa femme, abandonné et insulté par ses amis, c’était du fumier où il était étendu que son cri de désespoir, entrecoupé de prières, montait vers Dieu ; et, pour nous élever au-dessus de Job, quand le Christ prononça cette parole pleine de douleur : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ! » le calice plein des outrages et des souffrances de la passion touchait ses lèvres. On comprendrait moins le gémissement de Job encore au sein des prospérités humaines, et le Christ n’a pas voulu prononcer la douloureuse parole qui ouvrit sa passion, alors que, dans les joies innocentes des noces de Cana, il semblait vouloir nous enseigner, par son exemple, qu’il faut savoir goûter, dans les haltes de la vie, ces courtes joies que Dieu nous accorde sur la terre. C’est là ce qui donne un caractère excessif à ce continuel gémissement qu’exhalent les Harmonies de M. de Lamartine : il