Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

personnelle, un enfant que, dès les premières années de la restauration, M. de Chateaubriand appelait « l’enfant sublime, » croissait pour la poésie. Il était né dans la seconde année du dix-neuvième siècle[1], il avait donc treize ans seulement en 1815[2]. Mais la poésie semblait avoir, depuis sa naissance, présidé à sa destinée ; dans sa naissance même il y avait quelque chose de poétique. Victor Hugo était fils d’une Vendéenne qui avait conservé précieusement, dans le sanctuaire de son cœur, les convictions et les affections de sa province et de sa famille, et d’un général de l’empire. Son père était un des volontaires de la république, rallié à l’empire ; sa mère, fille d’un armateur de Nantes, avait été une brigande à la manière de madame de La Rochejacquelein. Les deux origines contradictoires de la société nouvelle se retrouvaient donc dans son berceau. Sa mère suivant son père dans ses campagnes, il avait déjà mené à cinq ans, une vie voyageuse, de Besançon

  1. Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte ;
    Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


    Ators dans Besançon, vieille ville espagnole,
    Jeté comme une graine au gré de l’air qui vole,
    Naquit, d’un sang breton et lorrain à la fois,
    Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix :
    Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
    Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,
    C’est moi.

    (VICTOR HUGO, Feuilles d’automne.)
  2. Le père de Victor Hugo était Joseph-Léopold Sigisbert Hugo qui, à l’époque où lui naquit cet enfant, c’est-à-dire le 2 février 1802, commandait le régiment en garnison dans la ville de Besançon. Sa mère se nommait Sophie Trébuchet.