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vement la forme du talent de M. de Lamartine, tient peu de place, au début, dans le talent de M. Victor Hugo ; son genre, c’est la poésie politique, la poésie monarchique. Sa voix est l’écho de ces sentiments ineffables de pitié et d’indignation qui, dans les premières années de la restauration, se remuaient au fond des cœurs au souvenir des victimes de la révolution et de leurs bourreaux. Il semblait en effet qu’en raison du régime qui avait suivi l’époque révolutionnaire, les malheurs des victimes n’avaient point été assez déplorés, les crimes des bourreaux assez maudits, et cette même dette que la France payait aux froides reliques de Louis XVI et de Marie-Antoinette, en les conduisant solennellement dans le sépulcre de leurs aïeux, M. Victor Hugo venait l’acquitter au nom de la poésie. Les jeunes filles de Verdun, la pâle et mélancolique figure du jeune Louis XVII[1], les martyrs de Quiberon, tous les spectres de ces morts dont les restes avaient été ensevelis avec trop peu de larmes[2], assiégeaient le chevet du poëte, dont les émotions gémissaient comme de plaintives élégies, ou tonnaient comme des odes indignées. Son talent fut ainsi l’expression sym-

  1. Un écrivain de nos jours, M. de Beauchesne, vient d’élever un beau et pieux monument à ce jeune prince, roi deshérité de sa couronne, mort déshérité de son tombeau, et à qui tant d’aventuriers ont voulu dérober jusqu’à son nom, en spéculant sur le sentiment de tendre et respectueuse pitié qui s’attache à cette lamentable destinée.
  2. Paucioribus lacrymis.