Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/343

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injustes ? L’esprit humain est habile à se tromper lui-même, et, tout orgueilleux de montrer les chaînes qu’il met sous ses pieds, il oublie celles que portent ses mains. Les courtisans de la popularité se louent de ne pas être les courtisans des rois, sans songer qu’il y a plus d’un genre de servitude. Ce fut un peu le cas de M. Casimir Delavigne. Son esprit cédait comme une voile docile, tendue du côté d’où vient la brise, à tous les souffles de l’opinion ; ses idées sont les préjugés de son époque ; ses sentiments, les passions du moment pendant lequel il écrit ; ses livres, de mélodieux échos des conversations qui courent les rues. Dans ses Messéniennes sur la Grèce, on retrouve l’enthousiasme un peu prétentieux du temps, l’érudition littéraire des salons, ces entretiens parfumés des souvenirs de classe, et tout l’entraînement d’opinion qui précéda le moment où les cabinets, apportant un secours plus efficace à la Grèce, livrèrent la bataille de Navarin, qu’on appela à cette époque une messénienne à coups de canon.

Rien de mieux, quand l’opinion publique entrait dans une voie au bout de laquelle on trouvait l’affranchissement d’un peuple chrétien du joug musulman par les armes de la France, qui acheva seule cette croisade, en chassant l’armée égyptienne de la Morée. Mais Casimir Delavigne ne choisissait pas toujours entre les impulsions de l’esprit du moment ; il les suivait d’aussi près que le lui permettaient la modération naturelle de son esprit et la prudence de son caractère, qui repoussait toutes les extrémités. Il saluait dans ses vers