Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/352

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poétique. Ordinairement son vers est plein, les mots sont à leur place, les images sont brillantes, le tour gracieux ou énergique, le rhythme harmonieux. Les stances tombent avec grâce ou se soutiennent avec vigueur. Ses odes ont du mouvement et marchent ordinairement d’un pas vif au dénoûment. Le côté faible, c’est la pensée. À l’époque même où M. Delavigne brillait dans tout son éclat, la critique la plus bienveillante, pourvu qu’elle fût élevée et juste, était frappée de cette faiblesse de la pensée que ne pouvait dérober la beauté de la forme[1]. Elle disait, avec raison, que le penseur manquait au poëte, cela est vrai ; chez Casimir Delavigne l’originalité est dans le style et non dans les idées. Le lieu commun, qui a toujours été une puissance, exprimé avec la supériorité du talent qui double cette puissance par le concours qu’il lui prête, voilà, en général, le caractère de ses productions, et, en partie, l’explication de ses succès. Ses succès furent d’autant plus grands et d’autant plus incontestés, que le poëte mit toujours beaucoup de mesure, de sagesse et de tact dans sa conduite. Il alla s’asseoir à l’Académie, où sa place était si bien marquée, et il refusa un

  1. M. de Rémusat disait à ce sujet dans le Globe, en 1825 dans un article sur la poésie française : « On accuse M. Delavigne de n’avoir pas élevé ses pensées au niveau de son talent. Trop souvent en effet il s’est borné à mettre en vers des idées communes, de ces idées prévues du lecteur qui ne caractérisent ni l’auteur ni le sujet. C’est son esprit et sa raison qu’il doit chercher à agrandir ; il n’a plus besoin de songer à son talent. Chez lui, c’est le philosophe qui manque au poëte.