Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/42

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la double licence des idées et des mœurs de l’âge précédent. Il ne cache point que la noblesse et le clergé étaient déchus de leur ancienne position morale. Il voit partout les châtiments provoqués par des fautes, et, loin de s’étonner de l’avénement de la révolution, il explique pourquoi elle arrive. Tout le monde en France, surtout les premiers qui doivent l’exemple à tous, avaient manqué à leur mission, et la France elle-même avait manqué à sa mission en Europe. La nation initiatrice était devenue une maîtresse d’égarements philosophiques ; la reine des intelligences avait corrompu les intelligences. Les enseignements lui arrivent d’autant plus sévères, qu’en sa qualité de reine de la civilisation, elle avait charge d’âmes : Et nunc, reges, intelligite. Voilà quelle est la première idée que le comte de Maistre met en relief. La seconde est un jugement non moins ferme et non moins équitable sur la conduite de l’Europe envers la France. Ce n’est point une guerre de principe que les cabinets lui ont déclarée : c’est une guerre d’intérêts, d’ambition, de conquête. La France est à la fois préservée et châtiée, parce qu’elle est nécessaire au monde et coupable : préservée contre l’Europe par le triomphe de ses armées, qui deviennent son châtiment en prolongeant la puissance du gouvernement révolutionnaire qui la décime et l’humilie. Dieu, par un conseil de justice et de miséricorde, la châtie ainsi dans le présent, en la réservant à l’avenir. Par un admirable effort de raison, le philosophe catholique, sympathisant avec le triomphe de nos armes, qui pour