Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/451

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où douze autres paysans, arrêtés à Luynes pour propos séditieux ou conduite suspecte, ont été enfermés aussi quelques mois après. Voilà toute la substance de l’affaire. Elle perd quelque peu de ses proportions aujourd’hui où l’on ne nie plus qu’il y ait eu des conspirations contre la restauration, et où l’on a vu opérer des gouvernements qui comprenaient d’une manière incomparablement plus grandiose la répression ou l’arbitraire, quand il s’agissait de se défendre ou de s’établir. C’était pourtant pour ce mauvais homme qui avait insulté en face les deux majestés les plus saintes, la religion et la mort, et à l’occasion de douze paysans brouillons, non pas déportés sans jugement loin de leur pays, mais attendant leur jugement dans la prison voisine, que Paul-Louis écrivait ces grandes phrases : « Justice ! équité ! Providence ! Vains mots dont on nous abuse ! Quelque part que je tourne les yeux, je ne vois que le crime triomphant et l’innocence opprimée ! » La cause, en se rapetissant, aujourd’hui qu’on la juge à la lumière impartiale de la postérité, fait paraître, même au point de vue de l’art, les paroles de Paul-Louis Courier, ridiculement grandes, sesquipedalia verba, et donne à son plaidoyer quelques traits de parenté avec celui du Petit-Jean de Racine ; c’est un effet d’optique semblable à celui que produisent de nos jours un grand nombre de chansons de Béranger. Après quelques hésitations qui viennent se refléter dans la correspondance de Paul-Louis avec sa femme[1],

  1. Il s’était marié en 1814 ; il avait quarante-deux ans ; sa