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Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/108

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n’a pas sommeillé quelques jours pendant le cours d’une longue vie ? qui n’a pas eu de ces distractions d’âme qui se raient cruelles si elles n’étaient un accident involontaire, une léthargie dont les cœurs actifs et passionnés doivent être plu tôt atteints que ceux dont la sensibilité également répartie ne dépense jamais un jour plus que l’autre ? Il y a des moments de gêne que les hommes généreux seuls connaissent ; d’ailleurs, celui qui a pu vivre cent ans parmi les hommes sauf, les blesser et sans s’ennuyer, sera toujours un grand philosophe. Je lui demandais un jour par quel art il s’était fait tant d’amis et pas un ennemi ? — Par deux axiomes, m’a-t-il répondu : tout est possible et tout le monde a raison.

L’ABBÉ DE BERNIS.

J’en demande pardon à monsieur le maréchal, mais ce propos est bien celui du plus grand courtisan de l’espèce humaine : Se résigner à n’avoir point d’avis ou à le sacrifier d’avance à tout le monde !…

M. DE CONDORCET.

C’était de sa part nonchalance et non servilité ; il attachait peu d’importance à la plupart des choses, même au bien qu’il faisait ; on l’a vu s’excuser près d’un ami de ne l’avoir pas recommandé ainsi qu’il le lui avait promis, et cet ami répondre : « Mais vous l’avez fait, et, grâce à vous, j’ai obtenu ce que je voulais. — Eh bien, tant mieux, a dit Fontenelle, je n’ai point oublié votre affaire, mais j’ai oublié que je l’eusse faite.

M. D’ARGENTAL.

On l’accuse d’avoir établi en principe que pour être heu reux, il faut avoir un bon estomac et un mauvais cœur.

D’ALEMBERT.

Cela ne prouve pas qu’il ait eu l’un et l’autre. Les diatribes contre la sensibilité sont un lieu commun dont l’esprit de Fontenelle se servait pour flatter le vulgaire ; et puis on ne médit si bien que de ce qu’on connaît.