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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/102

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— Ne me parlez pas ainsi, dit madame de la Tournelle, dont le trouble s’augmentait encore, songez qu’on nous observe… et que je ne saurais dissimuler la douleur… la joie… la fierté… la bonté…

— Que parlez-vous de bonté ? En est-il à régner sur un cœur généreux, dévoué en esclave, qui respecte vos scrupules, votre vertu, qui ne veut rien de vous enfin qu’un peu de pitié et la consolation de vous savoir là près de lui, pour mieux juger de ses actions et de sa constance ? Ah ! ne me refusez point !

— Qu’exigez-vous, grand Dieu !

— Dans deux jours vous serez à Versailles, n’est-ce pas ? sinon, je vous en préviens, je viens m’établir à Vincennes.

— À Vincennes ! y pensez-vous, sire ?… Ce serait…

— Une folie, j’en conviens, interrompit le roi, et cette folie, je vous en rends responsable comme de toutes celles que je puis faire. Par sagesse, épargnez-les-moi, revenez à Versailles.

— Voyez comme on nous regarde, sire ; il faut vous rapprocher des princesses… autrement… on dira…

— Ah ! répondez-moi, et je vous obéis. Samedi soir les fenêtres de votre appartement seront éclairées, n’est-ce pas ? Et dimanche matin je vous verrai…

— Prier pour vous dans la chapelle du château, ajouta madame de la Tournelle d’une voix tremblante, et en levant sur Louis XV un regard de tristesse et d’amour.

— Quel est le nom de cette belle fleur ? demanda le roi en se retournant vers M. Duverney.

— C’est le magnolia grandiflora, nouvellement envoyé d’Amérique par M. de la Condamine, sire. Et au même instant le savant jardinier des serres, qui suivait le petit sentier ménagé pour l’arrosement le long des murs, coupa la branche portant Punique fleur du magnolia que Sa Majesté venait d’admirer, et la remit à M. Duverney. Celui-ci vint l’offrir au roi.

— Quel dommage ! s’écria Louis XV. Ah ! je vous défends, Duverney, de dépouiller ce parterre ; si vous détruisez ainsi tout ce qu’on admire chez vous, il n’y restera bientôt plus rien. Quel éclat ! quel parfum délicieux ! Vrai, je ne suis pas digne de cette belle Heur ; mais je vous remercie de me donner le plaisir de l’offrir à madame.