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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/200

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— Tenez, dit le roi, en présentant sa montre.

— Voici la bague, dit madame de la Tournelle. Et le marquis de Croissy prit les deux objets des mains du roi pour les remettre à l’escamoteur. Celui-ci parut les broyer dans un creuset ; on entendit le bruit du verre cassé, celui du marteau qui frappait sur la bague de turquoise gravée.

— Y pensez-vous, not’maître, dit le Paillasse compère, savez-vous bien de qui vient cette montre pour l’arranger ainsi ?

— Ne sais-je pas tout, mon ami Paillasse ? Ne sais-je pas que cette montre est celle du grand Louis XIV, qu’elle m’a été confiée par son digne héritier, le plus respecté des monarques de la terre ?

— Eh bien, si vous savez tout cela, not’maître, pourquoi l’avoir brisée, cette superbe montre ?

— Pour prouver à l’honorable assemblée la fragilité des choses de ce monde, Paillasse.

— Et cette jolie bague, not’maître, n’est-ce pas un meurtre de la faire fondre sur ce vilain réchaud. Ne craignez-vous pas que l’on vous soupçonne de l’avoir escamotée ?

— Le sort de cette bague est écrit là-haut, dit l’escamoteur d’un ton solennel ; de grandes destinées y sont attachées. C’est le premier [anneau d’une chaîne fortunée, un talisman de bonheur, de fidélité, de gloire pour la personne qui la portera.

— Et qui voulez-vous qui s’en pare, not’maître, après l’avoir ainsi mutilée ?

— Imbécile, comment, toi qui as été si souvent témoin des miracles de l’amour, peux-tu douter de sa puissance ?… Allons, va chercher l’amour.

— Vous croyez qu’il se trouve comme cela, not’maître ? mais il faut quelquefois chercher bien bien longtemps avant de pouvoir l’attraper.

— Ne t’inquiète pas, te dis-je, partout où il y a des seigneurs aimables et de belles dames, on est bien sûr de le trouver.

— Si c’est ainsi, je vous le ramène à l’instant.

En effet, Paillasse revient bientôt avec une petite fille costumée en amour et jolie à faire illusion sur le personnage qu’elle représentait. Chacun s’écria :