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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/24

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de celui qui peut le bien, dans la faculté de diriger sa puissance, dans l’honneur de le rendre à la gloire.

— Beau rêve impossible à réaliser !…

— Essayez ; tout vous seconde : votre beauté, votre esprit, votre injuste haine, votre éloignement injurieux, votre pruderie même, tout vous assure un triomphe complet, et le moindre regard obligeant doit…

— Vous me laites trembler ! Ah ! si je pouvais le croire, je fuirais au bout du monde.

— Pour faire courir après vous ? Ah ! le moyen n’est pas mauvais ; mais j’en sais assez pour le regarder comme fort inutile.

— Non, vous ne savez rien, répond la marquise avec, impatience, vous voulez m’éprouver, habitué à vous amuser de la vanité des femmes, vous voulez tenter la mienne. Mais c’est dans toute la vérité de mon âme que je vous supplie de ne me plus parler sur ce sujet, et de croire que je préfère l’existence la plus misérable à celle que vous me faites entrevoir.

— Pourtant vous êtes ambitieuse, convenez-en.

— C’est parce que je suis ambitieuse que je n’aime point à descendre ; mais, par grâce, ne me dites plus un mot de cela, ou je me brouille avec vous pour jamais.

— Des menaces ?… Je ne vous croyais pas si malade… dit en riant le duc de Richelieu ; et il céda sa place au duc d’Agenois, qui trouvant l’entretien trop long, venait l’interrompre.



IV

UNE SOIRÉE À LA COUR


Cette plaisanterie du duc de Richelieu, dite au hasard comme un de ces soupçons dont on effraye les âmes timorées, quel jour affreux elle porta dans le cœur de madame de la Tonnelle ! Il n’en faut plus douter, pensa-t-elle,