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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/271

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Et elle s’arrache des bras de sa sœur, qui l’arrête en vain, descend à la hâte l’escalier, et vient s’offrir calme à la vue des furieux qui assiégeaient sa porte. Étonnés de sa démarche audacieuse, ou ne la reconnaissant pas, dans l’idée où ils sontquela duchesse de Ghâteauroux n’oserait s’exposer à leur rage, ils la laissent passer jusqu’à la voiture. Mademoiselle Hébert accourt en larmes, elle implore les plus nicnaçan is, et dénonce ainsi sa maîtresse. Alors ils ramassent des pierres, cassent les glaces du carrosse ; mademoiselle Hébert se précipite sur la duchesse dans l’espoir de parer les coups qu’on porte à madame de Châteauroux. Un tel dévouement intimide cette populace ; elle s’apaise un moment : madame de Lauraguais profite de cet intervalle pour venir retrouver sa sœur, et presser les postillons de partir. Alors les huées, les lapidations recommencent ; c’est à ce bruit qu’elles traversent Metz, et l’on est contraint de quitter la grande route pour n’être point suivi de ville en ville par un semblable cortége.

Elles s’arrêtèrent dans une maison de campagne à quelques lieues de Metz ; mais les propriétaires de cette maison, craignant la populace, refusèrent ; de les loger ; il fallut aller à un château plus éloigné dont les maîtres étaient absents C’est à prix d’or qu’on détermina le concierge à leur donner asile jusqu’au lendemain soir, car elles ne pouvaient sans imprudence marcher que la nuit.

Ces dangers, ces humiliations, ces fatigues mortelles, madame île Ghâteauroux ne s’en apercevait point ; elle s’affligeait seulement de ce que sa marche errante ne permettait pas aux courriers du duc de Richelieu de la rejoindre, et la livrait à l’inquiétude la plus cruelle sur la vie du roi. M craintes, ni larmes, ne soulageaint son cœur ; sans sommeil, prenant à peine quelques aliments, il fallait toute la force de la jeunesse pour ne pas succomber à un état si violent. Elle faillit mourir de douleur au moment où, traversant la l’erté-sous-Jouarrc, elle fut reconnue, et où ces mots affreux : C’est elle qui a tué le roi, lui firent croire qu’il n’existait plus. Heureusement l’excès de son émotion la priva de tout sentiment ; elle n’entendit pas les menaces du peuple, qui voulait briser sa voiture et se porter à d’épouvantables violences. On ne sait, disent les mémoires du temps, ce qui serait arrivé sans un notable du pays qui