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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/292

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— Ah ! pour cela, faut être juste, elle n’était pas intéressée, la pauvre femme.

— Tiens, celui-là ne va-t-il pas la plaindre, à présent ? mais ne poussez donc pas si fort ma petite dame, ajouta la poissarde en parlant à mademoiselle Hébert qui s’efforçait de faire sortir sa maîtresse du groupe où l’on tenait ces propos grossiers.

Ainsi portées par la foule, elles étaient parvenues au milieu du Carrousel.

— Voilà le guet à cheval, voilà le timbalier, les trompettes, qui débusquent de la rue Saint-Nicaise ; entendez-vous les cris : c’est le cortège qui vient ; mille tonnerres ! Vive le roi ! vive le Bien-Aimé !

Et ces cris répétés de toutes parts couvrait jusqu’au bruit des tambours et de la musique militaire.

— Qu’allons-nous devenir ? s’écrie mademoiselle Hébert, nous n’aurons jamais le temps d’arriver à la rue Saint Honoré.

— Restons-là, reprit la duchesse avec exaltation, oui, là, sur son passage même.

— Mais on ne nous y laissera point, les gardes feront faire place au cortège ; vous serez étouffée par la foule ; tâchons plutôt de gagner les colonnes de lampions qui sont pius loin que l’arc de triomphe.

— Non, c’est sous cet arc de triomphe que je veux le voir passer ; car, tu le sais bien, ajouta-t-elle, d’une voix étouffée et dans une sorte de délire, c’est à moi qu’il doit ces transports, ces cris qui l’enivrent ; ce nom de Bien-Aimé, c’est l’écho de mon cœur. Oh ! quand je l’aurai vu sourire aux acclamations de ce peuple qui l’adore ! ma mission sera remplie, je mourrai sans regret.

En disant ces mots, madame de Châteauroux se cramponna à l’un des poteaux de feu qui éclairaient l’arc de triomphe, et elle résista, avec une force plus qu’humaine, aux efforts du peuple qui se portait de ce côté, et aux gardes qui, malgré les ordres qu’ils avaient reçus de n’employer que la douceur pour faire ranger tout le monde, étaient bien obligés d’avoir recours aux moyens de rigueur pour empêcher les gens d’être écrasés sous les pieds des chevaux. C’est à la protection de l’un des gardes à cheval, postés de chaque côté de l’arc de triomphe, que madame de Châteauroux et made-