Aller au contenu

Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

perdu le souvenir de ses malheurs, sa raison s’égare ; elle s’élance vers le carrosse en criant :

Vive le Bien-Aimé !

Un soldat la repousse ; mademoiselle Hébert la retient, la cache tant qu’elle peut derrière la base de l’arc de triomphe mais madame de Châteauroux ne veut plus se montrer, elle ne veut plus rien voir ; elle n’en peut douter, le roi l’a aperçue ; la lueur des flambeaux que portaient les pages debout derrière le carrosse royal, avait frappé sur son visage, son regard avait rencontré celui du roi, elle en était certaine ; ce regard la brûlait encore, D’ailleurs le propos injurieux d’une femme du peuple lui avait appris cruellement que son costume ne la déguisait pas assez. La peur commençait à l’agiter, car, malgré elle, ce regard la rendait à l’espérance ; elle frémissait surtout d’être l’objet d’une esclandre qui intimiderait le roi dans ses projets de retour vers elle.

— Pour Dieu ! ne vous montrez pas, madame disait mademoiselle Hébert ; voici le duc d’Ayen, le comte de Coigny, le duc de Gramont, enfin tous vos anciens amis qui défilent. Ah ! comme vous tremblez… appuyez-vous sur moi… si vous alliez vous trouver mal… miséricorde !…

— Non, je ne souffre pas, dit madame de Châteauroux en respirant à peine, c’est un peu d’émotion, voilà tout… Et ses dents claquaient, elle éprouvait une violente contraction de nerfs ; mais une grande force de volonté la soutint ; succomber là, au milieu de ce peuple acharné contre elle, quelle affreuse idée !

En ce moment un redoutablement d’acclamations se fit entendre ; les cris de vive la reine, vive monseigneur le dauphin, vivent les enfants de not’bon roi, arrivèrent jusqu’à madame de Châteauroux.

— Ils viennent au-devant de lui, ils vont l’embrasser, pensa-t-elle ; et des larmes amères couvrirent son visage.

— Enfin je vous trouve, s’écrie une voix qui fait tressaillir de joie mademoiselle Hébert ; car c’est celle du chevalier de Mailly, de la seule personne dont elles ne craignissent pas d’être reconnues et protégées dans cette occasion.

— C’est le ciel qui vous envoie, monsieur, répond-elle ; vous allez m’aider à la ramener.