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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/306

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sons a déjà reçu l’ordre de se rendre dans son diocèse[1] et dès demain le ministre qui a osé vous signifier l’ordre extorqué à un mourant viendra lui-même ici vous soumettre la liste de ceux que votre retour exile.

— C’est vouloir redoubler leur haine. Ah ! Sire, laissez-les croire qu’ils m’ont accablée à jamais ; que m’importent leurs insolents mépris, lorsque j’ai votre amour.

— Non, tu ne connais pas ce besoin de venger la femme qu’on aime, ce point d’amour commun à l’artisan, au roi, à tout ce qui possède une âme. Cette soif que je dévore depuis quatre mois pour mieux assurer ma justice, il faut que je la satisfasse. Je ne puis, sans lâcheté, laisser flétrir, par une longue disgrâce la femme à qui je dois mes succès, mon pardon. Elle reprendra son rang à la cour, car elle a gardé sa place en mon cœur ; elle sera encore l’objet du respect de tous, car son noble caractère ne s’est point démenti au milieu de tant de dangers, de tourments non mérités. La vérité sera enfin connue, dussé-je la soutenir, comme nos aïeux, la lance au poing. On saura que je serais un monstre d’ingratitude, si je pouvais oublier tant de bienfaits ; on m’applaudira d’accomplir un devoir sacré : oui, le plus saint de tous, c’est la reconnaissance. Tu me laisseras y satisfaire, ton roi l’ordonne, ton amant t’en supplie.

Cet ordre, cette prière, accompagnés par tant de serments d’amour, de caresses délirantes, madame de Châteauroux n’y pouvait résister. Cependant elle tenta encore quelques représentations sur l’éclat de son retour à Versailles.

— Sois tranquille, dit le roi, ce retour n’étonnera per-

  1. Le duc de Fitz-James, fils du maréchal de Berwick, renonça aux dignités de son père dont il avait la surveillance, pour embrasser l’état ecclésiastique. Après un tel sacrifice, on ne peut douter de la sincérité de ses sentiments religieux. Son mérite, ses vertus épiscopales lui donnaient le droit d’être sévère, il le fut envers madame de Châteauroux ; le roi l’en punit par un trop long exil. Chaque fois que ce prince venait à Compiègne, il trouvait sur son bureau une lettre, ou plutôt un petit sermon de l’évêque de Soissons. On en a conservé plusieurs fragments. Ces rigides conseils donnés dans la disgrâce suffisent pour prouver la noblesse du caractère du duc de Fitz-James, et le justifient assez des bruits calomnieux répandus sur son compte à la mort de madame de Châteauroux.