Aller au contenu

Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Madame, le roi m’envoie vous dire qu’il n’a aucune connaissance de ce qui s’est passé à votre égard pendant sa maladie à Metz : il a toujours eu pour vous la même estime, la même considération. Il vous prie de revenir à la cour reprendre votre place, et madame de Lauraguais la sienne[1].

— J’ai toujours été persuadée que le roi n’avait aucune part à ce qui s’est passé à mon sujet ; aussi n’ai-je jamais cessé d’avoir pour Sa Majesté le même attachement. Je suis fâchée de n’être pas en état d’aller dès demain remercier le roi ; mais j’irai samedi prochain, car j’espère être guérie.

Alors M. de Maurepas essaya de s’excuser auprès de madame de Ghàteauroux, et voulut entrer avec elle dans des détails sur les préventions qu’on avait pu lui donner contre lui. En le regardant mentir et s’humilier ainsi, elle sourit de mépris ; et ce sourire, la haine en tint compte.

Une heure après cette visite, madame de Châteauroux reçut celle de M. d’Argenson, de ce même ministre dont elle avait fait la fortune, et qui lui avait signifié avec tant d’insolence l’ordre de s’éloigner de Metz. Il venait lui demander la liste de ceux dont elle désirait l’éloignement. On a répandu le bruit qu’elle avait fait inscrire le nom de M. d’Argenson en tête de la liste. Ce fait est faux ; mais on peut regretter que la franchise de son caractère n’eût pas permis à madame de Ghàteauroux de mieux dissimuler son dégoût profond à l’aspect de tant d’ingratitude et d’une soumission si basse.

Cependant elle répondit qu’elle laissait à Sa Majesté le soin d’éloigner les ennemis du roi et de sa gloire, qu’elle-même n’en reconnaissait point d’autres, et qu’elle pardonnait de bon cœur à ceux qui n’avaient offensé qu’elle.

Malgré tout ce que ces paroles avaient de rassurant, M. d’Argenson en fut accablé ; car c’était la générosité d’une reine, le pardon dédaigneux d’une puissance désormais invincible.

Madame de Châteauroux, après avoir joui desplaisirsd’une noble vengeance, se félicitait de causer de son bonheur avec les amis que ses chagrins n’avaient point éloignés d’elle. Déjà le bruit de son retour à Versailles faisait accourir chez

  1. Mémoires de Richelieu.