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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/325

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Deux heures après, M. Duverncy, en habit de deuil, se présenta chez le roi avec la riche cassette qui avait autrefois renfermé les lettres patentes du duché de Châteauroux ; elle contenait alors la montre arrêtée à l’heure fatale, et cette belle chevelure blonde que Louis XV avait si souvent admirée, caressée ! À la vue de ce don funèbre, le roi jette un cri déchirant, et tomba accablé sur un siége. Pas une larme ne vient soulager l’oppression qui l’étouffe. Ce désespoir muet, M. Duverney s’en effraye, il veut que l’attendrissement en tempère l’effet.

— Ah ! Sire, dit-il les larmes aux yeux, ne me faites point repentir d’avoir accompli ce triste message ; mais elle m’a prié de remettre moi-même à Votre Majesté ce dernier souvenir, et ces dernières lignes tracées par elle. Lisez-les, Sire… elles vous donneront le courage de supporter vos regrets… que sa voix puissante soit encore écoutée…

Alors Louis XV prit la lettre que lui présentait M. Duverney. Dès les premiers mots tracés par cette main si chère, des pleurs inondent le visage du roi ; des sanglots soulèvent sa poitrine ; il peut à peine lire, et cependant il s’obtine à repaître sa douleur de ces adieux touchants.


« AU ROI.

» J’ai vu le triomphe de Louis le Bien-Aimé, j’ai vu mon amour pour lui passer dans le cœur de ses sujets… je le laisse puissant, honoré, digne enfin de l’enthousiasme qu’il inspire… ma mission est remplie. Ah ! ce n’est pas trop de payer de ma vie un aussi grand bonheur !…

» Louis, ne plaignez pas mon sort… je meurs jeune, je meurs aimée !… Dieu me rappelle au moment où je retrouvais dans votre tendresse tous les biens de la terre… Ah ! je le pressens, il ne me condamne à un si grand sacrifice, que pour m’en récompenser dans votre gloire…

» Il ne veut pas que sa gloire soit flétrie par un amour coupable… Coupable !… ô mon Dieu, se peut-il qu’un sentiment d’où naissent tant de vertus soit un crime !…

» N’accusez personne de ma mort… violente ou naturelle, c’est l’arrêt du ciel, respectons-le.

» Je vous lègue, Sire, tous les malheureux que vos bienfaits m’aidaient à secourir.

» Ce portrait qui est là sur mon cœur depuis qu’il bat