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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/38

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c’était de voir le roi retomber dans ses habitudes d’indolence, et par cela même perdu pour la gloire.

Lorsqu’après avoir entendu le récit de ces soirées passées dans les petits appartements, elle témoignait le regret de voir un prince brave et spirituel dépenser ainsi sa vie.

— C’est bien votre faute, disaient le duc de Richelieu et M. Duverney ; vous pouviez le rendre à une plus noble existence ; vous pouviez assurer son bonheur, celui de l’État et le nôtre, vous ne l’avez pas voulu. Grâce à vous, le cardinal l’emporte, et nous aurons le plaisir de vivre sous son règne, lors même qu’il sera tombé en enfance. Maurepas guette déjà ce moment pour joindre la feuille des bénéfices à son département de la marine[1]. L’imbécillité, la fatuité, voilà les deux puissances qui vont nous asservir. L’affaire du prince de Conti est une preuve assez frappante de la rancune de ce vieux prêtre. Vous savez qu’il a obtenu du roi l’ordre de faire arrêter le prince ?

— Quoi ! s’écria madame de la Tournelle, pour avoir sans permission été rejoindre le maréchal de Maillebois à l’armée, et cela dans la seule intention de le forcer à l’employer et de se battre pour la France ! Cet exemple-là n’est pourtant pas fort dangereux.

— Eh bien, le cardinal a prouvé au roi que c’était une insulte faite à son autorité ; un courrier a été dépêché aussitôt à M. de Maillebois pour mettre le prince aux arrêts dès son arrivée. En vain la princesse de Conti est allée implorer le cardinal-ministre ; il a prétendu qu’il n’était pour rien dans cet acte de rigueur. La pauvre princesse a fini par lui avouer qu’elle avait approuvé le projet de son fils, et qu’il devrait être imité par tous les princes en état de porter les armes. Elle l’a quitté en disant qu’elle allait se jeter aux pieds du roi pour lui demander pardon et grâce. En effet elle est arrivée à Choisi pendant que le roi était à la chasse ; elle a prévenu madame de Mailly et de Meuse qu’elle allait attendre le roi chez le concierge pour le surprendre. Madame de Mailly ne l’a point permis ; et au retour de la chasse, elle a elle-même introduit la princesse dans le cabinet du roi.

  1. Le comte de Maurepas, secrétaire d’État au département de la marine et au département de la maison du roi.