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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/57

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le plus grand des prestiges, L’amour, transformait en vertu sa faiblesse : c’était, pensait-elle, offenser Dieu que de se refuser au bien qu’il donnait occasion de faire. Un calcul d’égoïsme pouvait seul inspirer le courage de conserver son repos, sa vertu même, plutôt que de les immoler au bonheur, à la gloire de son pays. C’est dans le délire de ces charmants sophismes qu’elle entendit madame de Flavacourt lui dire que la reine se retirait.

C’était le signal de son départ, c’était le réveil d’une imagination perdue dans les plus doux songes ; c’était le rappel au devoir, à la reconnaissance ; c’était la réalité dans tout ce qu’elle a de sévère. Ce nom de la reine, prononcé dans cet instant d’illusions brillantes, eut l’effet de ces mots magiques qui font écrouler les palais de fées. Madame de la Tournelle pâlit et se leva pour suivre sa sœur.

— Vous partez déjà, madame ? lui dit le roi en se retournant brusquement de son côté.

— Oui, sire, répondit-elle d’une voix tremblante, j’accompagne la reine.

Elle n’aurait pas dit d’un ton plus sinistre, ni avec des traits plus altérés : Je marche à la mort. Le roi fut tellement frappé de cette altération subite, qu’il en conçut les plus tristes présages. La même franchise d’impression qui lui avait laissé voir l’amour qu’il inspirait venait de lui démontrer la difficulté de vaincre les scrupules d’une âme pure et reconnaissante, que le nom seul de sa bienfaitrice avait la puissance de ramener au devoir. Il devint triste, rêveur, car le plaisir d’être aimé n’est pas assez pour le cœur d’un roi : il veut régner.



XI

VOLTAIRE


Le lendemain, avant le lever du roi, deux hommes causaient ensemble dans l’embrasure d’une fenêtre de l’Œil-de-Bœuf. C’étaient le marquis d’Argenson et M. de Voltaire.