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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/72

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Dès qu’elle se trouva seule, elle éprouva cette espèce de satisfaction qui suit toujours une résolution vertueuse. Elle prévint mademoiselle Hébert de son prochain départ, et lui recommanda d’en faire secrètement les préparatifs ; car elle craignait que, ce projet connu du roi, il ne tentât de s’y opposer : ainsi les personnes de bonne foi, dans les sacrifices qu’elles s’ordonnent, sont en garde contre leur faiblesse. Les sentiments factices seuls ne doutent de rien.

Forte de l’approbation de sa conscience, madame de la Tournelle consentit à se rendre, le soir même, avec sa sœur, chez la reine, et pourtant elle s’attendait à être reçue froidement ; peut-être même aurait-elle à supporter les airs dédaigneux de la vieille maréchal de Villars, qui avait remplacé madame de Mazarin, et dont la haute vertu manquait un peu d’indulgence. Peut-être y serait-elle exposée aux sarcasmes polis de mesdames de Toulouse et de Monconseil. Mais elle savait que toute cette malveillance s’éteindrait le lendemain, à la nouvelle de son départ, et elle se sentait le courage de la braver. Ce martyre volontaire n’était pas même sans charme pour elle. L’orgueil s’arrange assez bien des injustices dont il prévoit l’éclatante réparation.

Madame de la Tournelle se trouva moins de force contre l’accueil bienveillant de la reine. Soit qu’on n’eût pas osé répéter à cette princesse ce qui ce disait depuis deux jours sur le nouvel amour du roi, soit que son estime pour madame de la Tournelle l’empêchât de la croire complice de cet amour, elle ne lui témoigna aucun ressentiment, et lui parla même avec intérêt de la souffrance peinte sur son visage ; car deux nuits d’insomnie complète et d’agitations pénibles avaient visiblement altéré ses traits et l’éclat de son teint.

Madame de la Tournelle répondit à ces marques de bonté en disant qu’elle comptait sur l’air de la campagne pour rétablir sa santé.

À ces mots, la comtesse de Toulouse et madame de Monconseil se regardèrent comme pour se communiquer leur étonnement. Il se fit un long silence, que la reine interrompit en demandant à madame de la Tournelle si c’était à Saint-Germain, chez madame de Noailles, qu’elle se proposait d’aller.