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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/96

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pable de jouer un pareil tour à notre ami Duverney. Ce serait de quoi mettre le trésor royal à sec ; un financier traité de la sorte ! ah ! mon Dieu, j’en frémis pour l’État ; il faut éclairer le roi sur un danger semblable, et je me charge de lui dire la vérité, toute la vérité à ce sujet.

Alors, s’approchant du roi au moment un il allait remonter à cheval, le duc lui demande la permission de le précéder au château de Plaisance ; et il tourne si adroitement sa requête, qu’il y glisse la nécessité de donner tort aux personnes qui doutent que Sa Majesté accorde à M. Duverney la faveur dont elle avait daigné le flatter.

Faire entendre au roi qu’il ne pouvait se soustraire â sa promesse sans affliger profondément M. Duverney, c’était mettre sa bonté à l’épreuve ; et le résultat n’était point douteux. Les ordres furent aussitôt donnés pour qu’on dirigeât la chasse du côté de Saint-Maur, afin de rabattre sur le château de Plaisance, à la nuit tombante.

— Ce bon Duverney mérite bien cette faveur, dit le comte de Coigny â M. de Meuse, de manière à être entendu par le roi ; si vous saviez comme il a disposé son château et ses serres pour cette glorieuse visite ! Ce sera une féerie ; et puis une réunion de femmes charmantes !

— Mais s’il y a tant de monde, dit le roi, nous serons ridicules avec nos habits de chasse ; décidément nous reviendrons nous reposer un moment à Vincennes, faites-en prévenir Bontemps[1].

C’était prescrire à toute sa suite l’obligation de se rhabiller avant de se rendre au château de Plaisance.

Pendant ce temps, les voitures à six chevaux arrivaient de Paris, remplies de tout ce que la cour et la ville avaient de plus élégant, et des gens les plus dignes d’être admis à l’honneur de se trouver avec le roi ; car M. Duverney, en homme habile, avait eu soin de mêler aux personnes qui composaient (sauf madame de Mailly) le petit cercle du roi, plusieurs de ces célébrités qui excitent toujours la curiosité des princes ; c’est le plus réel profit qu’ils recueillent des sacrifices d’étiquette faits en faveur de la bourgeoisie. Déjà l’avenue est illuminée ; des orchestres militaires, placés de distance en distance, doivent annoncer, par des

  1. Second valet de chambre du roi.