Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

règne, on y affiche des principes hardis, et les moutons, bien qu’il s’en rencontre encore par les chemins, sont en train de disparaître. Avec le Consulat et l’Empire, la femme militaire paraît, celle qui aime franchement la gloire, qui l’admire et qui s’honore de la récompenser ; qui a les sentiments en dehors, la parure d’éclat, le front haut, les épaules éblouissantes, l’esprit (quand elle en a) franc, naturel et pas trop compliqué. Comme la société pourtant et le cœur aiment les contrastes, il se mêlera, à cet amour avoué de la gloire et des exploits, des airs de rêverie et de romance.

La Restauration arrive : donnez-lui le temps de s’asseoir et de recueillir son esprit. Dès que cet esprit aura parlé par la voix de quelques écrivains, par le chant de quelques poëtes, vous avez une génération de femmes toutes différentes. À celles-ci il faut des idées avant tout, des sentiments, je ne sais quoi de métaphysique et de raffiné ; elles ont lu les Méditations de Lamartine, et elles soupirent ; elles aiment l’esprit, et elles s’en vantent ; elles s’éprennent et se passionnent pour des orateurs ; elles sont femmes à se trouver mal si elles ont rencontré, sans être prévenues à l’avance, le grand poëte de leur rêve. De la religiosité, un peu de mysticisme, des nerfs (on n’avait pas d’attaques de nerfs sous l’Empire), un idéal ou libéral ou monarchique, mais où il s’exhale quelque vapeur de poésie, voilà ce qui distingue assez bien la jeune femme de la Restauration. Un observateur physiologiste l’a dit :« C’est l’avénement de la femme frêle, à qui un ton de langueur et de pâleur donne plus de prix : elle a remplacé la femme opulente. » Les variations du goût s’expriment dans ces types de beauté à la mode. Je ne veux pas dire qu’à toutes ces époques diverses on fasse des choses bien différentes, mais c’est la manière qui a changé.