Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/53

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Varannes de faire une partie avec son mari et M. Billing. Sir James vit clairement son intention, baissa les yeux, et tomba dans une profonde rêverie. Il faut que cet homme ait éprouvé de bien cruels chagrins, mon amie ; il n’est pas naturel qu’à son âge on persévère dans le projet de vivre presque seul ; et j’avoue qu’il m’inspire une certaine curiosité qui m’était inconnue : j’ai quelquefois l’envie de questionner Frédéric sur son compte ; mais à quoi peut mener cette indiscrétion ? Il la trouverait ridicule, et vraiment il aurait raison. Je n’y vois d’excuse que dans l’intérêt qu’on ressent toujours pour un être malheureux : quand on est soi-même à plaindre, on espère trouver quelques moyens de le consoler en apprenant ses peines ; il n’en faut pas davantage pour chercher à découvrir ses secrets.

Je crois que madame Lucie partage ce sentiment, elle sait une partie de mes chagrins ; mais elle a deviné qu’il me serait doux d’en parler avec elle ; elle m’a dit avec sa grâce ordinaire, que M. Billing lui avait répété des choses si encourageantes, qu’elle osait me parler franchement de son amitié et du désir qu’elle avait de se lier intimement avec moi. M. de Savinie a joint ses instances aux siennes pour m’engager à les voir le plus souvent possible ; j’ai tâché d’y répondre de manière à les persuader que si je n’y cédais pas, c’était uniquement pour ma santé, et