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Page:Nichault - Le Comte de Guiche.djvu/11

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duc de Gramont remplissait ses devoirs militaires avec une rigidité et un zèle extrêmes. Si, comme l’a dit un moraliste courtisan : « Les bienfaits du souverain sont une chaîne qui soumet éternellement la vie du sujet au caprice du maître, » le duc de Gramont devait consacrer la sienne à Louis XIII ; car le roi l’avait soustrait à l’autorité féroce de son père, de cet Antoine II, de ce Gramont qui, s’étant convaincu de l’infidélité de sa femme (fille du duc de Roquelaure), usa du droit de haute et basse justice attaché à sa principauté de Bidache, pour faire juger la coupable, la condamner à mort, et s’empresser de faire tomber sa tête avant que les envoyés du roi aient eu le temps de venir, au nom de Sa Majesté, demander la grâce de la duchesse de Gramont.

Cette expédition, qui rappelait celle des châtelains du moyen âge, fit craindre de voir le duc Antoine II poursuivre, dans ses enfants, la vengeance du crime de leur mère, et le roi, cédant aux prières des ducs de Roquelaure, ordonna au mari vengé d’envoyer ses deux fils à la cour pour qu’ils y fussent élevés sous sa protection royale. Cela explique suffisamment l’amour filial dont le père du comte de Guiche et son frère, le célèbre chevalier de Gramont, ne cessèrent de donner des preuves à Louis XIII.

Le cardinal de Richelieu qui regardait les gens dévoués comme de nobles dupes, très-utiles à ceux qui savent les employer, n’avait pas manqué de s’attacher le duc de Gramont par tous les moyens que donne le crédit. Après avoir récompensé justement ses grands services militaires, et payé d’un grade éminent la blessure qu’il avait reçue au siége de Mantoue, il lui avait fait épouser une de ses nièces.

Le même jour de ses noces, le cardinal célébra aussi celles de ses deux autres nièces avec le duc d’Épernon et le duc de Puilaurens. Ces noces magnifiques, dont la cour garda un long souvenir, ne furent heureuses que pour le duc de Gramont. Le duc d’Épernon, dont l’humeur altière devait déplaire au cardinal, fut bientôt contraint de quitter la cour, et peu de temps après le duc de Puilaurens mourut en prison.

Pendant que son père poursuivait ses succès à l’armée, le petit Armand de Guiche s’élevait près du cardinal de