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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/221

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rice et l’enfant, madame de Cernan prit pour eux tous les soins qu’Ermance était hors d’état de leur donner.



XXXVI


Que de suppositions terribles, que de pressentiments funestes agitèrent madame de Lorency pendant ce court voyage ! et combien elle souffrit de la nécessité d’écouter les caquets spirituels de madame de Cernan, qui ne tarissait point en bons mots, en récits scandaleux, en réflexions critiques et gaies sur les diverses héroïnes des aventures qu’elle citait ! Il faut avoir porté dans le monde le poids d’une douleur concentrée pour savoir tout ce qu’on peut souffrir, Ah ! la pitié n’est pas due à celui qui pleure dans la solitude ! Mais traîner avec soi, parmi les indifférents, les heureux du monde les égoïstes qui exigent qu’on leur réponde, qu’on les amuse, un chagrin que chaque mot irrite, un regret que chaque plaisanterie profane, voilà l’affreux tourment que le Dante aurait mis au premier rang des tortures infernales si la tyrannie des convenances et le despotisme des esprits légers avaient régné dans son siècle.

À peine arrivées à Fontainebleau, Ermance et sa tante se butèrent de s’habiller pour se rendre au château. Mais l’aspect de cette antique résidence royale si riche en souvenirs historiques, de ces longues galeries, témoins de la piété de saint Louis, des amours de François Ier, du meurtre de Monaldeschi, des fêtes galantes de Louis XIV, ces vastes cours où l’élite des chevaliers français venait jadis prendre les ordres du roi, comme aujourd’hui les vainqueurs de l’Europe viennent attendre ceux de Napoléon, ce monument de la puissance passée vaincue par la puissance présente, cet éclat qui suivait partout l’empereur, ce bruit, ce mouvement qui précèdent toujours les moindres solennités, rien ne put distraire madame de Lorency de ses idées de parjure et de châtiment.