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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/224

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il se livrait moins à ces remarques désobligeantes qui le faisaient redouter autrefois. Il paraissait ce jour-là préoccupé d’une idée agréable, ce qui ne l’empêcha pas de donner beaucoup de signes d’ennui et d’impatience pendant cette longue cérémonie. Pourtant le prélat courtisan avait abrégé le plus possible les prières du rituel : malgré cela, l’empereur ne pouvait obtenir de lui de prêter l’attention nécessaire aux questions de l’officiant.

C’était à l’époque où le haut clergé, rappelé en France et rétabli dans plusieurs de ses droits par Bonaparte, lui causait le plus de soucis. Le pape ne voulait pas donner de bulles aux évêques nommés par l’empereur aux siéges vacants ; les cardinaux romains avaient cru de leur devoir de ne point assister à son mariage, et chaque jour, irrité par la découverte des menées, des conférences secrètes de la petite Église[1], l’empereur ne voyait point de prêtres sans éprouver un mouvement d’humeur et sans penser à la prédiction qu’un républicain lui fit, en sortant de Notre-Dame, après le fameux concordat : « Vous venez de les ressusciter, avait-il dit, eh bien, vous verrez comment ils vous en récompenseront ! »

Ermance, placée sur le banc réservé aux mères des enfants qu’on allait baptiser, se faisait remarquer, sans le vouloir, par une triste et profonde méditation que chacun prenait pour un recueillement religieux. Tant que la cérémonie n’intéressa que les autres mères, elle conserva assez de calme ; d’ailleurs, préparée à tout ce que cette solennité devait lui faire éprouver, elle avait rassemblé son courage ; cependant elle faillit succomber au moment où il lui fallut prendre son enfant des bras de la nourrice pour le présenter elle-même

  1. Cette petite Église se composait d’un assez grand nombre de prêtres qui, tout en ne reconnaissant pas le pape, prêchaient cependant dans le sens de la bulle d’excommunication, et qui, depuis la guerre civile, circulaient dans toute la France, baptisant, confessant, mariant et célébrant en secret l’office divin dans des maisons particulières.
    (Mémoires du duc de R.)