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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/61

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bataille, apportée par des courriers de commerce, étant venue directement de Vienne à Aix-la-Chapelle, elle avait devancé de plusieurs jours les détails officiels. En la voyant si désolée, Ermance lui prodiguait les plus tendres soins, et madame Donavel disait dans sa reconnaissance :

— Combien vous êtes bonne de me consoler ainsi, de chercher à me rassurer, quand vous même vous souffrez d’une inquiétude semblable ! Mais M. de Lorency est jeune encore, il n’a pas épuisé tout le bonheur d’un soldat ; mon mari a déjà tant de fois échappé à la mort par miracle que je n’ose plus me flatter qu’il soit toujours aussi heureux.

— Vous le reverrez, répondait Ermance en cachant ses larmes dans le sein de son amie : vous le reverrez, vous qui méritez si bien d’être heureuse.

Enfin le bulletin tant désiré arriva, et madame Donavel passa du désespoir à la joie ; elle s’attendait à voir le même changement dans madame de Lorency, car une lettre d’Adhémar venait de la rassurer ; et le général mandait à sa femme qu’en récompense de la manière dont Adhémar s’était distingué à l’affaire de Wagram, il avait été fait colonel sur le champ de bataille. Madame Donavel s’étonna de voir le beau visage d’Ermance rester pâle et triste en apprenant cette bonne nouvelle.

— Je crains que vous ne soyez malade, ma chère amie, dit-elle.

— Moi ?… non… reprit Ermance du ton d’une personne qui craint de voir deviner la cause de sa souffrance.

— Eh bien, reprit madame Donavel, si vous ne souffrez pas, prenez un air moins triste ; vous savez qu’on est méchant ici, que vos avantages excitent l’envie des femmes moins belles et moins riches que vous ; ne donnez pas un prétexte à leur malignité, car elle ne manquerait pas d’attribuer la tristesse qui résisterait aux nouvelles d’aujourd’hui à l’absence de quelqu’un de ceux qui viennent de nous quitter, et cela vous ferait peut-être…

— Quoi… madame… vous penseriez ?… interrompit Ermance avec une sorte d’égarement.