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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/65

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— Je ne vous ai jamais vue si prévoyante, dit M. de Maizières : cette prudence cache un mystère bien funeste ou bien favorable à l’auteur du bouquet ; c’est ce que je prétends découvrir ce soir même. Allons, ne vous déconcertez pas ainsi ; je devinerais trop vite. Aussi bien je ne serais pas faché, ajouta-t-il plus bas en aidant Ermance à descendre l’escalier, qu’un autre vous fit oublier les bruyants soupirs de votre beau capitaine. Je commençais à le prendre en horreur. C’est peut-être parce que vous étiez trop bonne pour lui !… Cependant il ne vous plaisait pas… mais qui peut rien comprendre aux femmes !



XII


Le dédain des Parisiens pour les gens et les plaisirs de province a quelque chose en lui-même de si provincial qu’on est étonné de le voir partagé par des personnes d’esprit. On ne saurait ouvrir un livre, une page de notre histoire sans se convaincre que la plupart de nos grands hommes sont nés en province. On sait tous ceux qu’ont fournis la Guienne, la Normandie, la Bourgogne, etc. On voit tous les jours surgir les plus beaux talents en éloquence, en poésie, sur les bords de la Saône, ou d’un vieux château de la Bretagne, et cependant le Parisien, fier de quelques grands génies, et surtout empressé d’adopter ceux que la province lui envoie, s’obstine à regarder sa bonne ville comme la seule patrie de tout ce qui honore la France. Cet orgueil, assez noble, peut, à la rigueur, s’excuser ; mais comment défendre cette vanité badaude qui ne veut pas convenir qu’il y ait de bons dîners, de bonnes conversations et de jolies femmes ailleurs qu’à Paris ? Certes le voyageur qui parcourt la France, en voyant des banquiers le matin et de mauvais spectacles le soir, est en droit de faire des comparaisons en faveur de Paris ; mais s’il se donne la peine de chercher en province des gens de mérite, il en trouvera ; et si lui-même possède quelque talent,