Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’injuste à me reprocher un excès de zèle qui méritait plutôt sa reconnaissance.

— Mais c’est à moi à l’en récompenser, ajouta-t-elle, en me regardant avec bonté.

À ces mots elle entra chez son fils. Je sus bientôt après le sujet de leur entretien.

— Je vois, dit-elle, en jetant les yeux sur la table où se trouvait une lettre toute cachetée, et à l’adresse de madame de Civray, je vois que Lydie vous a prévenu ainsi que moi de sa prochaine absence.

— Ah ! ma mère, s’écria Gustave, n’y consentez pas, ou j’en mourrai.

— C’est mettre mon courage à une grande épreuve, reprit la marquise, d’un ton ferme et affectueux ; mais quelle que soit l’étendue du sacrifice, il faut s’y soumettre dès que l’honneur l’exige. Tu ne doutes pas que ton existence, ton bonheur, ne composent ma vie ; eh bien, je renoncerais à tous deux plutôt qu’à ton estime ; réfléchis à ma situation, et juge toi-même des devoirs qu’elle m’impose. Par suite des malheurs qui exilent la moitié de notre famille, je me trouve le seul guide de mon fils et l’unique appui d’une jeune femme confiée à mes soins par son mari et sa mère. Faut-il qu’au mépris de tant d’engagements sacrés, je livre cette pauvre Lydie à tous les regrets d’un amour coupable, dont les conséquences font frémir, et cela dans la seule vue de satisfaire les désirs d’un jeune homme que tant d’autres objets peuvent distraire.

— Ne le croyez pas, interrompit Gustave ; si j’avais pu triompher de cette malheureuse passion, elle n’aurait jamais troublé son repos ni le vôtre.

« Longtemps je me suis flatté d’y parvenir, et cela peut vous expliquer le silence que j’en ai gardé près de la meilleure des mères : car je ne me ferai pas un titre de mon inexpérience pour excuser mes torts, sans prévoir les tourments que je me préparais en adorant Lydie ; tout m’avertit du danger de lui plaire. D’abord je me promis de lui cacher ce que sa présence me faisait éprouver ; mais ayant cru m’apercevoir qu’elle avait deviné mon secret sans en être émue, et