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ADOLESCENCE

sans comprendre. Et elle rougit de ce trouble qu’elle interpréta à sa façon.

— Voyez-vous ça, ces jeunes… ils pensent déjà aux femmes…

Pour Cestrières, ce n’était pas vrai. Il pensait à Claire. Et Claire avait son âge.

Elle était là, au terminus, quand il descendit.

— Bonjour, Mario, cria-t-elle de loin.

— Bonjour, Claire.

Leurs mains se prirent.

Elle avait des yeux qui enveloppaient les êtres de bleu, un visage lisse, un corps mince.

Pendant que Mario la redécouvrait, s’émerveillant qu’elle fût semblable à ses rêves, il pressait la main qu’elle lui avait abandonnée.

Quand il s’en aperçut, il la lâcha brusquement. Elle retomba, lui faisant don de cette tiédeur animale qui restait au creux de sa paume.

Claire ne se douta pas de son trouble.

Ils marchaient côte à côte, grands et jeunes, unis par tout cela qui formait leur être transitoire. Car, à quinze ans, on n’existe pas vraiment.

Après un silence qui leur semblait naturel, ils se mirent à parler tous les deux à la fois.

— Quelle chance qu’il fasse si beau !

— Le fleuve est calme et soyeux comme un lac.

— Nous prendrons la petite barque verte.

— Oui, c’est la plus légère.

— Oh ! ça vous est égal, vous êtes si fort ! s’exclama Claire.

— C’est vrai, dit-il avec satisfaction.

Cette satisfaction ne venait pas de son orgueil, mais le consolait d’être, auprès d’elle, si fine, si racée, une sorte de brute bien portante qui se reprochait secrètement son appétit et son sommeil.

— Vous êtes vraiment gentille d’être venue…

— Pourquoi ne l’aurais-je pas fait ? s’étonna-t-elle.