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LES ENFANTS DU PÉCHÉ

— Que Dieu nous pardonne, nous ne l’avons pas voulu.

Mais le moine, soudain dressé, récita :

— Lorsque quelqu’un péchera sans le savoir, en faisant contre les commandements de Dieu des choses qui ne doivent point se faire, il se rendra coupable et sera chargé de sa faute.

— Comment est-ce possible, dit Gabor, comment pourrait-on porter son péché, si Dieu n’était pas avec nous, si Dieu ne nous aidait ?

— Vos péchés mettent une séparation entre vous et Dieu, continua le moine qui sembla ignorer la suppliante interruption de Gabor. Vos péchés vous cachent sa face et l’empêchent de vous écouter, car vos mains sont souillées de sang et vos doigts de crime.

— Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai ! cria Hanka.

Mais son mari la saisit par les bras. Elle se tut. Et tous deux avec effroi regardèrent le moine qui, les mains levées au-dessus de sa tête, dans une pose inspirée, déversait les paroles bibliques où s’exhalait le courroux du Dieu vengeur.

Lorsqu’il s’arrêta, Gabor dit simplement :

— Couchez-vous, mon Père, vous devez être fatigué.

Le moine monta sur le poêle.

— La route sera longue encore, dit-il, la paix sur vous.

Il s’endormit très vite.

Gabor retourna à son travail.

Hanka le suivit. Dans un coin du fournil, presque contre la porte du four, elle se blottit, sans rien dire. Par la lucarne basse, elle distinguait la masse noire du château qui se profilait sur le ciel très clair. Nulle lampe n’y était allumée, mais un rayon de lune soulignait sur la façade l’encorbellement d’une fenêtre.

Hanka se prit à songer au barine qui dormait derrière cette fenêtre. Son regard allait du visage de Gabor à la