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CORRESPONDANCE D’ABEL

mais en réalité c’est bien lui. Je l'ai vu souvent à l’Institut. Il a l’air alerte et petit, mais il a le défaut que le diable boiteux4 reproche à Zambullo, c’est à dire „la mauvaise habitude de couper la langue aux gens".* Poisson est un petit homme avec un joli petit ventre. Il porte son corps avec dignité. De même Fourier. Lacroix est effroyablement chauve et remarquablement vieux. Lundi je serai présenté à la plupart de ces messieurs par Hachette. D’ailleurs je n’aime pas autant le Français que l’Allemand : le Français est extrêmement réservé à l’égard des étrangers. Il est très difficile d’arriver à des relations intimes avec lui. Et je n’ose espérer y parvenir. Chacun travaille à part sans s’occuper des autres. Tous veulent instruire et personne ne veut apprendre. L’égoïsme le plus absolu règne partout. La seule chose que le Français recherche chez des étrangers est le côté pratique ; personne ne sait penser en dehors de lui. Il est le seul qui sache produire quelque chose de théorique. Telles sont ses idées, et dès lors tu peux comprendre qu’il est difficile d’attirer l’attention, surtout pour un débutant. — J’ai achevé un grand mémoire sur une certaine classe de fonctions transcendantes pour le présenter à l’Institut. Cela aura lieu lundi. Je l’ai montré à Cauchy ; mais c’est à peine s’il a voulu y jeter les yeux. Et j’ose dire sans me vanter qu’il est bon. Je suis curieux d’entendre le jugement de l'Institut. Tu en seras informé quand le moment sera venu. — J’ai écrit plusieurs autres mémoires particulièrement pour le Journal de Crelle dont 3 numéros ont paru. De même pour les Annales de Gergonne qui tombent de jour en jour. Il devient trop vieux. Il en est de lui comme de v. Zach,5 il est vrai que celui-ci n’a jamais rien valu. Un résumé de mon mémoire sur l’impossibilité de résoudre les équations algébriques est inséré dans le Bulletin de Ferussac. Je l’ai écrit moi-même. J’ai fait et je continuerai à faires d’autres articles pour ce Bulletin. — C'est un travail diablement ennuyeux quand on n’a pas écrit soi-même le mémoire, mais je le fais à cause de Crelle, le plus brave homme que l’on puisse imaginer. — Je corresponds régulièrement avec lui, et j’ai de lui une masse de lettres, autant que j’en ai reçu de ma fiancée. — Aujourd’hui j’ai écrit à un mathématicien, Kulp,6 de Darmstadt, qui m’a demandé des éclaircissements sur plusieurs passages de mes mémoires. Une relation par correspondance. — Je travaille à présent à la théorie des équations, mon sujet favori, et je suis enfin parvenu à ce point que je vois le moyen de résoudre le problème général suivant. „Déterminer la forme de toutes

 * En français dans la texte.