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— Zarathoustra avait dit cela à son cœur tandis que le soleil se levait : alors il jeta un regard interrogateur dans les hauteurs, car il entendait au-dessus de lui l’appel perçant de son aigle. « Eh bien ! cria-t-il là-haut, cela me plaît et me convient ainsi. Mes animaux sont éveillés, car je suis éveillé.

Mon aigle est éveillé et, comme moi, il honore le soleil. Avec des griffes d’aigle il saisit la nouvelle lumière. Vous êtes mes véritables animaux ; je vous aime.

Mais il me manque encore mes hommes véritables ! » —

Ainsi parlait Zarathoustra ; mais alors il arriva qu’il se sentit soudain entouré, comme par des oiseaux innombrables qui voltigeaient autour de lui, — le bruissement de tant d’ailes et la poussée autour de sa tête étaient si grands qu’il ferma les yeux. Et, en vérité, il sentait tomber sur lui quelque chose comme une nuée de flèches qui se lance sur un nouvel ennemi. Mais voici, ici c’était une nuée d’amour, sur un ami nouveau.

« Que m’arrive-t-il ? pensa Zarathoustra dans son cœur étonné, et il s’assit lentement sur la grosse pierre qui se trouvait à l’entrée de sa caverne. Mais en agitant ses mains autour de lui, au-dessus et au-dessous de lui, pour se défendre de la tendresse des oiseaux, voici, il lui arriva quelque chose de plus singulier encore : car il mettait inopinément ses mains dans des touffes de poils épaisses et chaudes ; et en même temps retentissait devant lui un rugissement, — un doux et long rugissement de lion.

« Le signe vient », dit Zarathoustra et son cœur se transforma. Et, en vérité, lorsqu’il vit clair devant lui, une énorme bête jaune était couchée à ses pieds, inclinant la tête contre ses genoux, ne voulant pas le quitter dans