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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

l’on vous trouve le plus de goût : ceux-là le savent qui veulent être aimés longtemps.

Il y a bien aussi des pommes aigres dont la destinée est d’attendre jusqu’au dernier jour de l’automne. Et elles deviennent en même temps mûres, jaunes et ridées.

Chez d’autres le cœur vieillit d’abord, chez d’autres l’esprit. Et quelques-uns sont vieux dans leur jeunesse : mais quand on est jeune très tard, on reste jeune très longtemps.

Il y en a qui manquent leur vie : un ver venimeux leur ronge le cœur. Qu’ils tâchent au moins de mieux réussir dans leur mort.

Il y en a qui ne prennent jamais de saveur, ils pourrissent déjà en été. C’est la lâcheté qui les retient à leur branche.

Il y en a beaucoup trop qui vivent et trop longtemps ils restent suspendus à leur branche. Qu’une tempête vienne et secoue de l’arbre tout ce qui est pourri et mangé par le ver ?

Viennent les prédicateurs de la mort rapide ! Ce seraient eux les vraies tempêtes qui secoueraient l’arbre de la vie ! Mais je n’entends prêcher que la mort lente et la patience avec tout ce qui est « terrestre ».

Hélas ! vous prêchez la patience avec ce qui est terrestre ? C’est le terrestre qui a trop de patience avec vous, blasphémateurs !

En vérité, il est mort trop tôt, cet Hébreu qu’honorent les prédicateurs de la mort lente, et pour