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AURORE

sation peu fréquente, peu de lectures faites avec précaution, une habitation solitaire, des habitudes de propreté, simples et presque militaires, en un mot toutes choses qui sont le plus à mon goût personnel, qui sont les plus salutaires justement pour moi ? Une philosophie qui est au fond l’instinct d’un régime personnel ? Un instinct qui cherche mon atmosphère, mon attitude, ma température, la santé qu’il me faut, par le détour de mon cerveau ? Il y a beaucoup d’autres sublimités de la philosophie et aussi beaucoup de sublimités plus hautes. Elles ne sont pas toutes plus sombres et plus exigeantes que la mienne, — peut-être ne sont-elles aussi toutes que les détours intellectuels vers de pareils instincts personnels ? — Tandis que je réfléchis à cela, je regarde d’un œil nouveau le vol mystérieux et solitaire d’un papillon, là-haut, près de la falaise du lac, où croissent tant de bonnes plantes : il vole çà et là sans se soucier de ce que sa vie ne durera plus qu’un jour et que la nuit sera trop froide pour sa fragilité ailée. Pour lui aussi il serait possible de trouver une philosophie, bien qu’il me semble difficile que ce soit la mienne.

554.

Un pas en avant. — Lorsque l’on vante le progrès on ne fait que vanter le mouvement et ceux qui ne nous font pas demeurer à la même place, — dans certains cas, on fait déjà beaucoup en faisant cela, en particulier lorsque l’on vit parmi les Égyptiens. Dans l’Europe mobile, cependant, où le mou-