Page:Nietzsche - Considérations Inactuelles, II.djvu/251

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Que deviennent cependant la prétendue simultanéité et le parallélisme absolu, dans l’ensemble de l’action, chez le musicien et dans le drame ? La musique ne fait que déranger l’auteur dramatique, car pour exprimer quelque chose il lui faut du temps, souvent pour une seule émotion du drame toute une symphonie. Que devient, pendant se temps, le drame ? Wagner utilise, pour remplir ces intervalles, le dialogue, d’une façon générale les paroles.

Il faut alors ajouter une nouvelle puissance et une nouvelle difficulté : la langue. Celle-ci s’exprime en conceptions abstraites. Les conceptions abstraites sont soumises, elles aussi, à des régles du temps qui leur sont propres.

La mimique, le monde des conceptions abstraites, la musique, chacun de ces éléments exprime dans une chronométrie différente le sentiment qui est à sa base. Dans le drame parlé règne une puissance qui, pour s’affirmer, a besoin du temps le plus considérable, la conception abstraite. C’est pourquoi l’action est souvent un repos qui prend des formes plastiques et se manifeste par des groupes. Surtout dans l’antiquité : l’art plastique au repos exprime un état d’âme déterminé. La mimique se trouve donc dans une dépendance directe avec le drame parlé.

Or, le musicien a besoin de temps tout à fait différents, et, au fond, on ne saurait lui imposer aucune loi : un sentiment entamé peut se prolonger longtemps chez un musicien et être bref chez un autre. Quelle exigence, donc, de vouloir que le langage des idées et le langage des sons aillent de pair !

Pourtant, la parole elle-même soutient un élément musical. La phrase violemment sentie possède une mélodie qui est aussi l’image d’une forte émotion de la volonté. Cette mélodie peut être utilisée au point de vue artistique et on peut peut l’interpréter à l’infini.

L’assemblage de tous ces facteurs paraît irréalisable ; tel