Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/198

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fausses, grossières, inhumaines, absurdes, violentes que, forcément, se dissipe l’atmosphère d’illusion pieuse où tout ce qui a le désir de vivre peut seul prospérer. Car l’homme ne saurait créer qu’en amour ; abrité par l’illusion de l’amour, il aura la foi absolue en la perfection et la justice.

Dès que l’on force quelqu’un à ne plus aimer d’une façon absolue, on a coupé la racine de sa puissance : dès lors il desséchera, c’est-à-dire qu’il ne sera plus sincère. Il faut opposer aux effets de l’histoire les effets de l’art, et c’est seulement quand l’histoire supporte d’être transformée en œuvre d’art, de devenir un produit de l’art, qu’elle peut conserver des instincts et peut-être même éveiller des instincts. Or, une pareille façon d’écrire l’histoire serait en parfaite contradiction avec la tendance analytique et antiartistique de notre époque, on irait même jusqu’à y voir une falsification. Mais les études historiques qui ne font que détruire, sans qu’un profond instinct édificateur les dirige, usent et déforment peu à peu leurs instruments. Les historiens étouffent les illusions, et « celui qui détruit les illusions, en lui-même et chez les autres, sera puni par la nature, qui est le plus sévère des tyrans ». À vrai dire, durant un certain temps, on peut s’occuper d’études historiques, avec innocence et sans y chercher malice, comme si c’était là une occupation semblable à toutes les autres. La nouvelle