Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/214

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jamais être que des « descendants », pour la simple raison que nous ne pourrions pas être autre chose ? Wilhelm Wackernagel a une fois exprimé cette idée dans une phrase qu’il faut méditer : « Quoi que l’on fasse, nous autres Allemands nous sommes un peuple de descendants ; avec toute notre science supérieure, même avec notre foi, nous ne sommes toujours que les successeurs du monde antique. Ceux-là même qui s’y refusent, pleins d’hostilité, respirent sans cesse, en même temps que l’esprit du christianisme, l’esprit immortel de la vieille culture classique, et si l’on parvenait à dégager ces deux éléments de l’atmosphère qui entoure l’homme intérieur, il ne resterait guère de quoi remplir une vie humaine. »

Mais quand même nous nous accommoderions volontiers du sort d’être les héritiers de l’antiquité, quand même nous déciderions de prendre cette tâche vraiment au sérieux, pour y voir notre seul privilège distinctif, nous serions néanmoins astreints à nous demander si ce sera éternellement notre destinée d’être les élèves de l’antiquité finissante. Quel que soit le moment, nous devrions une fois avoir le droit de placer graduellement notre but plus loin et plus haut ; en quelque temps que ce soit, nous devrions pouvoir nous accorder le mérite d’avoir recréé, en nous-mêmes, l’esprit de la culture romaine-alexandrine — aussi dans notre histoire universelle — d’une façon si féconde et si grandiose