Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/245

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part précisément de cette conception fausse et inféconde de la culture. Son but, si on l’imagine pur et élevé, n’est pas du tout l’homme cultivé et libre, mais le savant, l’homme scientifique, plus exactement l’homme scientifique qui se rend utile aussitôt que possible, qui reste en dehors de la vie, pour connaître très exactement la vie ; son résultat, si l’on se place au point de vue vulgaire et empirique, c’est le philistin cultivé, le philistin esthético-historique ; c’est le grand bavard vieux jeune et jeune vieux qui vaticine au sujet de l’État, de l’Église, de l’Art ; c’est un sensorium de mille impressions de seconde main ; c’est un estomac repu qui ne sait pas encore ce que c’est que d’avoir véritablement faim, véritablement soif. Qu’une pareille éducation, avec de semblables buts et de semblables résultats, est contre nature, celui-là seul peut le sentir qui n’est pas encore arrivé à la fin, qui possède encore l’instinct de la nature, mais que cette éducation brisera artificiellement et brutalement. Celui, cependant, qui, à son tour, voudra briser cette éducation, devra être le porte-parole de la jeunesse, éclairer la répugnance inconsciente de celle-ci avec la lumière de ses conceptions et l’amener à une conscience qui parle haut et clair. Mais comment atteindre un but aussi étrange ?

Avant tout en détruisant une superstition, la croyance à la nécessité de cette éducation. Ne croirait-on pas qu’il n’y a pas d’autre possibilité que