Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/76

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que la vie porte dans son sein avec cette demi-attention ou cet insupportable besoin de repos qui est propre à l’ouvrier épuisé.

C’est aussi l’attitude qu’il prend vis-à-vis de la culture. Il se comporte comme si, pour lui, la vie n’était qu’otium, mais sine dignitate. Et, même quand il rêve, il ne jette pas son joug loin de lui. Il est pareil à l’esclave, qui, même quand il est libre, rêve encore de misère, de précipitation et de coups. Nos savants se distinguent fort peu, et en tous les cas point à leur avantage, de l’agriculteur qui veut augmenter son bien héréditaire et qui, du soir au matin, peine à cultiver son champ, à conduire sa charrue et à encourager ses bœufs. Or, Pascal croit que les hommes s’efforcent seulement ainsi à faire leurs affaires et à cultiver leurs sciences pour échapper aux problèmes importants que toute solitude, tous les loisirs véritables leur imposeraient, et il s’agit précisément des problèmes du pourquoi et du comment. Chose singulière, nos savants ne songent même pas à la question la plus proche, celle de savoir à quoi peuvent bien servir leur travail, leur hâte, leurs douloureux transports. Ce n’est pourtant pas à gagner leur pain ou conquérir des hommes. Certainement non. Et pourtant vous prenez de la peine, à la façon de ceux qui ont faim et vous vous emparez, sans choix, de tous les mets dont la table de la science si chargée, avec une avidité qui pourrait faire