Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/84

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publique de cette franchise. Mais celle-ci lui paraît d’autant plus édifiante chez un autre. Enfermé chez lui ou parmi ses semblables, le philistin applaudit même bruyamment, bien qu’il ait peut-être soin d’éviter d’avouer par écrit combien toutes les paroles de Strauss sont selon son cœur. Car, nous nous en sommes déjà aperçus, notre philistin cultivé n’est pas exempt d’une certaine lâcheté, même lorsqu’il manifeste ses sympathies les plus vives. Strauss étant d’un degré moins lâche devient, par cela même, un chef, bien que, d’autre part, il y ait certaines limites à son courage personnel. S’il s’avisait de dépasser ces limites, comme le fait par exemple Schopenhauer à presque chacune de ses phrases, il ne marcherait plus à la tête des philistins comme leur chef. Au contraire, on se sauverait devant lui avec autant d’ardeur que l’on met aujourd’hui à lui courir après. Celui qui voudrait considérer cette mesure, qui, si elle n’est sage, paraît du moins habile, et cette médiocrité de courage, comme des vertus aristocratiques, ferait certainement fausse route, car ce courage n’est point une moyenne entre deux défauts, mais une moyenne entre une vertu et un défaut — et toutes les qualités du philistin sont précisément renfermées dans cette moyenne entre la vertu et le défaut.