Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/9

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de couronnes qui seraient proportionnées à des événements et à des succès si extraordinaires. Cette illusion est extrêmement néfaste, non point parce que c’est une illusion — car il existe des illusions salutaires et fécondes — mais parce qu’elle pourrait bien transformer notre victoire en une complète défaite : la défaite, je dirai même l’extirpation de l’esprit allemand, au bénéfice de « l’empire allemand ».

En admettant même que ce soient deux cultures qui aient lutté l’une avec l’autre, l’échelle pour la valeur de la culture victorieuse n’en serait pas moins très relative et, dans certaines circonstances, ne justifierait nullement les cris de triomphe ou les acclamations. Car, il importerait, avant tout, de savoir quelle était la valeur de cette culture vaincue. Peut-être était-elle très inférieure. Auquel cas la victoire, fût-elle même un fait d’armes des plus brillants, ne serait point, pour la culture victorieuse, une invite à crier victoire. D’autre part, il ne peut être question, dans notre cas, d’une victoire de la culture allemande, pour la simple raison que la culture française continue à exister comme devant, et que nous continuons encore à dépendre d’elle. Cette culture allemande n’a même pas aidé au succès des armes. Une discipline sévère, une bravoure et une endurance naturelles, la supériorité du commandement, l’unité de vues et l’obéissance de ceux qui étaient commandés,