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HUMAIN, TROP HUMAIN


de la matière, dans le nouveau tour donné à de vieux motifs, à de vieilles pensées. Sa situation est la situation esthétique vis-à-vis de l’œuvre d’art, celle du créateur ; la première décrite, qui regarde uniquement le sujet, est celle du peuple. De l’homme entre deux il n’y a rien à dire, il n’est ni peuple ni artiste et ne sait pas ce qu’il veut : aussi son plaisir est-il confus et médiocre.

167.

Éducation artistique du public. — Si le même motif n’est pas traité de cent façons par différents maîtres, le public n’apprend pas à s’élever aau-dessus de l’intérêt du sujet ; mais à la fin lui-même saisira les nuances, les délicates inventions neuves dans la façon de traiter ce motif, et en jouira, lorsqu’il le connaîtra de longue date par de nombreuses manipulations et qu’il n’y sentira plus le piquant de la nouveauté, de l’attente.

168.

L’artiste et sa suite doivent marcher au pas. — Le passage d’un degré du style à l’autre doit être assez lent pour que non seulement les artistes, mais aussi les auditeurs et spectateurs soient de la partie et sachent exactement ce qui se passe. Autrement il se produit tout d’un coup ce grand abîme