Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
HUMAIN, TROP HUMAIN


gage est l’imitation des gestes, qui se produit involontairement et, maintenant encore, malgré une restriction générale du langage des gestes et une domination acquise des muscles, est si forte que nous ne pouvons regarder un visage en mouvement sans innervation de notre visage (on peut observer que la feinte d’un bâillement provoque, chez une personne qui la voit, un bâillement naturel). Le geste imité ramenait celui qui l’imitait au sentiment qu’il exprimait dans le visage ou le corps de l’imité. C’est ainsi que l’on apprenait à se comprendre : c’est ainsi encore que l’enfant apprend à comprendre la mère. En général, des sentiments douloureux peuvent bien s’exprimer aussi par des gestes, qui causent de leur côté une douleur (par exemple s’arracher les cheveux, se frapper la poitrine, défigurer et contracter violemment les muscles de la face). Inversement : des gestes de plaisir étaient eux-mêmes plaisants et se prêtaient par là facilement à la communication de l’intelligence (le rire étant la manifestation du chatouillement, qui est plaisant, servait à son tour à l’expression d’autres sensations plaisantes). Dès qu’on s’entendait par gestes, il pouvait naître à son tour une symbolique des gestes : je veux dire qu’on pouvait s’entendre sur un langage de sons, à la condition qu’on produisît d’abord le son et le geste (auquel il s’ajoutait comme symbole), plus tard seuement le son. — Il semble alors qu’à une époque