Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
HUMAIN, TROP HUMAIN

une amorce où il doit mordre. C’est ainsi qu’on n’a besoin, pour gagner beaucoup de personnes à une cause, que de donner à cette cause le vernis de la philanthropie, de la noblesse, de la bienfaisance, du sacrifice — et à quelle cause ne peut-on pas la donner ! — C’est le bonbon et la friandise de leurs âmes ; d’autres en ont d’autres.

360.

Contenance à l’égard de l’éloge. — Si de bons amis louent la nature bien douée, elle se montrera souvent contente par courtoisie et bienveillance, mais en réalité cela lui est égal. Son essence particulière est tout à fait nonchalante à cet égard et par là mal disposée à faire un pas pour sortir du soleil ou de l’ombre où elle est couchée ; mais les hommes, par la louange, veulent donner du contentement et ce serait les chagriner que de ne pas se montrer content de leur louange.

361.

L’expérience de Socrate. — Si l’on est devenu maître en une chose, on est pour l’ordinaire resté par cela même un pur apprenti dans la plupart des autres ; mais on en juge inversement, comme Socrate en faisait déjà l’expérience. Là est l’inconvénient qui rend le commerce des maîtres désagréable.