Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341
HUMAIN, TROP HUMAIN

tion les belles occasions, sans qu’aucun les saisisse : si bien que la conversation se poursuivrait entièrement dénuée d’esprit et d’amabilité, parce que chacun renverrait à l’autre l’occasion de montrer esprit et amabilité.

370.

Décharge de la mauvaise humeur. — L’homme qui échoue en quelque chose aime mieux rapporter cet échec à la mauvaise volonté d’un autre qu’au hasard. Sa surexcitation est allégée par le fait de s’imaginer qu’une personne et non une chose est cause de son échec ; car on peut se venger des personnes, force est bien d’avaler les torts du destin. L’entourage d’un prince a par cette raison la coutume, lorsqu’il a échoué en quelque chose, de lui désigner comme soi-disant cause un personnage unique, sacrifié à l’intérêt de tous les courtisans ; car autrement la mauvaise humeur du prince s’exercerait sur eux tous, puisque de la déesse même du destin il ne peut tirer vengeance.

371.

Prendre la couleur du milieu. — Pourquoi la sympathie et l’aversion sont-elles chose si contagieuse que l’on peut à peine vivre dans le voisinage d’une personne de sentiments forts sans se remplir comme un tonneau de son Pour et Contre ? Premièrement, l’abstention complète de jugement est