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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

dramatique des Allemands a été Kotzebue ; lui et ses Allemands, tant ceux desclasses supérieures que ceux des classes moyennes, sont inséparables, et ses contemporains auraient pu dire sérieusement de lui : « En lui nous vivons et nous agissons ». Il n’y avait là rien de forcé, rien qui fût inculqué, dont la jouissance fut imposée, artificiellement imposée : ce qu’il voulait et savait dire était compris, et, aujourd’hui encore, le franc succès sur la scène allemande est entre les mains des héritiers honteux ou éhontés de ces moyens et de ces effets qui étaient le propre de Kotzebue, surtout sur le domaine où la comédie reste quelque peu florissante ; d’où il résulte qu’une bonne part de ce qui était le tgermanisme d’alors continue à subsister, surtout à distance des grandes villes. Bonasse, sans sobriété dans les petites jouissances, avide de larmes, avec le désir de pouvoir se défaire, du moins au théâtre, de la sévère frugalité traditionnelle, pour exercer une indulgence souriante et même pleine de rires, confondant le bien et la compassion, les identifiant même — comme c’est le propre de la sentimentalité allemande —, exultant à l’aspect d’une belle action généreuse ; pour le reste soumis à ce qui vient d’en haut, envieux à l’égard du voisin et pourtant plein de contentement intérieur — toutes ces qualités, tous ces défauts, ce furent les leurs. — Le second talent théâtral fut Schiller : celui-ci découvrit une classe de spectateurs qui, jusqu’alors, n’étaient pas encore entrés en ligne de compte ; il trouve cette classe à l’âge de la puberté : la jeune fille et le jeune homme allemands.