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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



259.

En se revoyant. — Lorsque de vieux amis se revoient après une longue séparation, il arrive souvent qu’ils ont l’air de prendre intérêt à des choses qui leur sont de venues complètement indifférentes : parfois ils s’en aperçoivent tous deux et n’osent pas lever le voile — à cause d’un doute un peu triste. C’est ainsi que certaines conversations ont l’air de se tenir dans le royaume des morts.

260.

Il ne faut se faire d’ami que parmi les gens qui travaillent. — L’homme oisif est dangereux pour ses amis ; car, n’ayant pas assez à faire lui-même, il parle de ce que font et ne font pas ses amis, il se mêle des affaires des autres et se rend importun : c’est pourquoi il faut être assez sage pour ne se lier qu’avec les gens qui travaillent.

261.

Une arme peut valoir le double de deux armes. — Il y a lutte inégale lorsque l’un défend une cause avec la tête et le cœur, et que l’autre ne la défend qu’avec la tête : le premier a, en quelque sorte, contre lui le soleil et le vent et ses deux armes se gênent réciproquement ; il perd son prix — aux yeux de la vérité. Il est vrai que, par contre, la victoire du second, avec sa seule arme, est rarement une victoire selon le cœur de tous les autres spectateurs et elle le rend impopulaire.