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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

choses se trouve ce qu’il y a de plus précieux et de plus essentiel.

4.

Mesure de la valeur et de la vérité. — Pour la hauteur des montagnes la peine qu’on prend à les gravir n’est nullement une unité de mesure. Et dans la science il en serait autrement ! — nous disent quelques-uns qui veulent passer pour initiés — la peine que coûte une vérité déciderait justement de la valeur de cette vérité ! Cette morale absurde part de l’idée que les « Vérités » ne sont proprement rien de plus que des appareils de gymnastique, où nous devrions bravement travailler jusqu’à la fatigue, — morale pour athlètes et gymnasiarques de l’esprit.

5.

Langage et réalité. — Il y a un mépris hypocrite de toutes les choses qu’en fait les hommes regardent comme les plus importantes, de toutes les choses prochaines. On dit, par exemple : « On ne mange que pour vivre », — mensonge exécrable, comme celui qui parle de la procréation des enfants comme du dessein propre de toute volupté. Au rebours, la grande estime des « choses importantes » n’est presque jamais entièrement vraie : quoique les prêtres et les métaphysiciens nous aient accoutumés en ces matières à un langage hypocritement exagéré, ils n’ont pas réussi à changer le sentiment qui n’attribue pas à ces choses importantes autant d’importance qu’à ces choses prochaines méprisées.